dimanche 25 novembre 2012

B comme Bayadères

On peut tout à la fois siffler l'apéro et l'opéra


Un opéra pour Napoléon, mais surtout pour la communauté française expatriée de Bulgarie. Chaque ressortissant français a en effet reçu de la part de l'Ambassade, une invitation pour Les Bayadères de Catel. Le carton, valable pour deux personnes, annonçait "un spectacle exceptionnel" dans le style Bollywood, "une fresque monumentale et exotique"; une danseuse indienne et un empereur au veston rose et à la culotte jaune en guise d'illustration.

J'ai d'abord lu vite et de travers, et me faisais une joie d'être conviée au ballet russe La Bayadère. A la deuxième lecture, j'ai compris qu'il s'agissait d'un opéra de 1810 dont je n'avais jamais entendu parler, coproduit par l'Institut Français de Bulgarie, le centre de musique romantique française, l'Institut tchèque de Sofia avec le soutien du Ministère de la culture slovaque et de la BNP Paribas. Un bel exemple de coopération culturelle. Je décide donc de répondre à cette invitation au voyage et d'assister au spectacle, ce samedi soir, en compagnie de mes copines expat'. 

Le "rêve oriental" annoncé se transforme très vite en cauchemar. Sur scène, un choeur, des solistes et une cinquantaine de musiciens (jouant sur instruments anciens s'il vous plait!). Aucun décor, aucun costume, aucun élément de "la tradition sacrée indienne". Pénétrer dans "la cité sacrée de Bénérès" me demande donc un énorme effort d'imagination. Identifier "l'héroïque danseuse indienne" également, puisqu'il s'agit d'une jeune soliste vêtue d'une robe de dentelle noire. Quant à ma capacité à "vivre les aventures de Laméa", cela m'est quasi impossible. En amatrice de musique classique et d'art lyrique, j'apprécie le concert mais les paroles, bien que dans ma langue, me sont incompréhensibles, les parties chantées n'étant pas surtitrées. Les mots sont souvent non-articulés, avec une intonation et une prononciation propres au chant lyrique. J'ai pu cependant distinguer clairement le R roulé! Sans doute la seule touche d'exotisme de la soirée!



Vidéo: Les Bayadères, air "Sans détourner les yeux"
Source: Youtube



J'ai assisté depuis une dizaine d'années à une bonne quinzaine d'opéras mais mon ouïe n'est pas encore suffisamment aiguisée. Il est difficile de comprendre une variété de français à laquelle on n'est pas habitué, aussi certaines chaînes de télévisions surtitrent-t-elles les Africains francophones qui sont pourtant souvent des locuteurs natifs du français. Je ne suis pas la seule à penser que la lecture du texte aurait aidée à la compréhension de l'argument. On a pris la décision de traduire en bulgare le discours de Son Excellence Monsieur L'Ambassadeur qui ne présentait selon moi qu'un intérêt  limité mais on a assumé que l'audience comprendrait ce français chanté du XVIIIe siècle (syntaxe et lexique caractéristiques de l'époque et du genre). Résultat: je n'ai pas accrochée et la moitié du public a profité de l'entracte pour s'échapper. Vu que presque tout le monde est rentré sur invitation, le fait de ne pas avoir payé son billet d'entrée n'encourage pas vraiment à rester trois heures à s'ennuyer enfoncé dans un strapontin défoncé. Je suis restée mais bercée par ces mélodies en langue étrangère (seul le langage des cordes et des vents m'était quelque peu familier) j'étais perdue dans mes pensées, contemplant les enfants s'amusant à imiter les mouvements de bras du chef d'orchestre ou encore, essayant de calculer avec la plus grande précision possible le nombre de victimes que causerait la chute d'un des lustres en cristal de la salle. 

Le spectacle fini, cette nourriture spirituelle ne suffisant pas à calmer le concerto de nos estomacs affamés, nous nous sommes attardées autour d'une table dans notre restaurant préféré pour échanger avis et critiques unanimes sur le concert qui venait d'être donné. 

Je me suis endormie repu et satisfaite, car sur le trajet retour l'auto-radio du taxi jouait la Lambada mais surtout parce que j'avais quelques heures plus tôt contribué à sauver la vie d'un homme. Ou plutôt je me plaisais à le croire. A l'aller, en route pour la salle de concert, un homme haletant dont le souffle coupé laissait échapper des effluves d'alcool, s'est engouffré dans notre taxi, profitant d'un arrêt de la voiture au feu rouge pour ouvrir la portière et se jeter sur la banquette arrière (et par la même, sur sa charmante occupante) répétant inquiet (et bourré) être poursuivi par des "tzigani" qui voulaient s'en prendre à lui. N'ayant pas trouvé de policier pour l'aider, il a pensé qu'il serait en sécurité dans notre taxi et a exhorté le chauffeur d'accélérer. Ce dernier l'a déposé quelques rues après qu'il soit monté à bord du véhicule, non pas pour dérober notre argent puis nous poignarder comme nous l'avons toutes deux d'abord imaginé, mais pour échapper à une mort certaine. Digne d'un film d'action, cet épisode était à mes yeux plus "divertissant" que le reste de la soirée. Partager une course (poursuite?) avec un fugitif n'a néanmoins rien de rassurant et j'espère qu'à l'avenir ce genre d'incident ne se reproduira plus. Je veillerai désormais à ce que les portières soient verrouillées. Qui a dit qu'aller à l'opéra était ennuyant? 

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